Le monde comme il va - Voltaire
Le monde comme il va
BeQ
Voltaire
Le monde comme il va
La Bibliothèque électronique du Québec
Collection À tous les vents
Volume 1305 : version 1.0
2
Du même auteur, à la Bibliothèque :
Histoire dun bon bramin
Candide ou loptimisme
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Le monde comme il va
Édition de référence :
Paris, Garnier Flammarion, 1966.
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Vision de Babouc,
écrite par lui-même
Parmi les génies qui président aux empires du
monde, Ituriel tient un des premiers rangs, et il a
le département de la haute Asie. Il descendit un
matin dans la demeure du Scythe Babouc, sur le
rivage de lOxus, et lui dit : « Babouc, les folies
et les excès des Perses ont attiré notre colère ; il
sest tenu hier une assemblée des génies de la
haute Asie pour savoir si on châtierait Persépolis
ou si on la détruirait. Va dans cette ville, examine
tout ; tu reviendras men rendre un compte
fidèle ; et je me déterminerai, sur ton rapport, à
corriger la ville ou à lexterminer. Mais,
Seigneur, dit humblement Babouc, je nai jamais
été en Perse ; je ny connais personne. Tant
mieux, dit lange, tu ne seras point partial ; tu as
reçu du ciel le discernement, et jy ajoute le don
dinspirer la confiance ; marche, regarde, écoute,
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observe, et ne crains rien : tu seras partout bien
reçu. »
Babouc monta sur son chameau et partit avec
ses serviteurs. Au bout de quelques journées, il
rencontra vers les plaines de Sennaar larmée
persane qui allait combattre larmée indienne. Il
sadressa dabord à un soldat quil trouva écarté.
Il lui parla, et lui demanda quel était le sujet de la
guerre. « Par tous les dieux, dit le soldat, je nen
sais rien. Ce nest pas mon affaire ; mon métier
est de tuer et dêtre tué pour gagner ma vie ; il
nimporte qui je serve. Je pourrais bien même dès
demain passer dans le camp des Indiens, car on
dit quils donnent près dune demi-drachme de
cuivre par jour à leurs soldats de plus que nous
nen avons dans ce maudit service de Perse. Si
vous voulez savoir pourquoi on se bat, parlez à
mon capitaine. »
Babouc, ayant fait un petit présent au soldat,
entra dans le camp. Il fit bientôt connaissance
avec le capitaine, et lui demanda le sujet de la
guerre. « Comment voulez-vous que je le sache ?
dit le capitaine, et que mimporte ce beau sujet ?
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Jhabite à deux cents lieues de Persépolis ;
jentend dire que la guerre est déclarée ;
jabandonne aussitôt ma famille et je vais
chercher, selon notre coutume, la fortune ou la
mort, attendu que je nai rien à faire. Mais, vos
camarades, dit Babouc, ne sont-ils pas un peu
plus instruits que vous ? Non, dit lofficier, il
ny a guère que nos principaux satrapes qui
savent bien précisément pourquoi on ségorge. »
Babouc, étonné, sintroduisit chez les
généraux ; il entra dans leur familiarité. Lun
deux lui dit enfin : « La cause de cette guerre,
qui désole depuis vingt ans lAsie, vient
originairement dune querelle entre un eunuque
dune femme du grand roi de Perse et un commis
dun bureau du grand roi des Indes. Il sagissait
dun droit qui revenait à peu près à la trentième
partie dune darique. Le premier maître des Indes
et le nôtre soutinrent dignement les droits de leurs
maîtres. La querelle séchauffa. On mit de part et
dautre en campagne une armée dun million de
soldats. Il faut recruter cette armée tous les ans de
plus de quatre cent mille hommes. Les meurtres,
les incendies, les ruines, les dévastations se
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multiplient ; lunivers souffre, et lacharnement
continue. Notre premier ministre et celui des
Indes protestent souvent quils nagissent que
pour le bonheur du genre humain ; et à chaque
protestation il y a toujours quelques villes
détruites et quelques provinces ravagées. »
Le lendemain, sur un bruit qui se répandit que
la paix allait être conclue, le général persan et le
général indien sempressèrent de donner bataille ;
elle fut sanglante. Babouc en vit toutes les fautes
et toutes les abominations ; il fut témoin des
manoeuvres des principaux satrapes, qui firent ce
quils purent pour faire battre leur chef. Il vit des
officiers tués par leurs propres troupes ; il vit des
soldats qui achevaient dégorger leurs camarades
expirants pour leur arracher quelques lambeaux
sanglants, déchirés et couverts de fange. Il entra
dans les hôpitaux où lon transportait les blessés,
dont la plupart expiraient par la négligence
inhumaine de ceux mêmes que le roi de Perse
payait chèrement pour les secourir. « Sont-ce là
des hommes, sécria Babouc, ou des bêtes
féroces ? Ah ! je vois bien que Persépolis sera
détruite. »
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Occupé de cette pensée, il passa dans le camp
des Indiens. Il y fut aussi bien reçu que dans celui
des Perses, selon ce qui lui avait été prédit ; mais
il y vit tous les mêmes excès qui lavaient saisi
dhorreur. « Oh, oh ! dit-il en lui-même, si lange
Ituriel veut exterminer les Persans, il faut donc
que lange des Indes détruise aussi les Indiens. »
Sétant ensuite informé plus en détail de ce qui
sétait passé dans lune et lautre armée, il apprit
des actions de générosité, de grandeur dâme,
dhumanité, qui létonnèrent et le ravirent.
« Inexplicables humains, sécria-t-il, comment
pouvez-vous réunir tant de bassesse et de
grandeur, tant de vertus et de crimes ? »
Cependant la paix fut déclarée. Les chefs des
deux armées, dont aucun navait remporté la
victoire, mais qui pour leur seul intérêt avaient
fait verser le sang de tant dhommes, leurs
semblables, allèrent briguer dans leurs cours des
récompenses. On célébra la paix dans des écrits
publics qui nannonçaient que le retour de la
vertu et de la félicité sur la terre. « Dieu soit
loué ! dit Babouc ; Persépolis sera le séjour de
linnocence épurée ; elle ne sera point détruite,
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comme le voulaient ces vilains génies : courons
sans tarder dans cette capitale de lAsie. »
Il arriva dans cette ville immense par
lancienne entrée, qui était toute barbare et dont
la rusticité dégoûtante offensait les yeux. Toute
cette partie de la ville se ressentait du temps où
elle avait été bâtie ; car, malgré lopiniâtreté des
hommes à louer lantique aux dépens du
moderne, il faut avouer quen tout genre les
premiers essais sont toujours grossiers.
Babouc se mêla dans la foule dun peuple
composé de ce quil y avait de plus sale et de plus
laid dans les deux sexes. Cette foule se précipitait
dun air hébété dans un enclos vaste et sombre.
Au bourdonnement continuel, au mouvement
quil y remarqua, à largent que quelques
personnes donnaient à dautres pour avoir droit à
sasseoir, il crut être dans un marché où lon
vendait des chaises de paille ; mais bientôt,
voyant que plusieurs femmes se mettaient à
genoux, en faisant semblant de regarder fixement
devant elles et en regardant les hommes de côté,
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il saperçut quil était dans un temple. Des voix
aigres, rauques, sauvages, discordantes, faisaient
retentir la voûte de sons mal articulés, qui
faisaient le même effet que les voix des onagres
quand elles répondent, dans les plaines des
Pictaves, au cornet à bouquin qui les appelle. Il se
bouchait les oreilles ; mais il fut prêt de se
boucher encore les yeux et le nez, quand il vit
entrer dans ce temple des ouvriers avec des
pinces et des pelles. Ils remuèrent une large
pierre, et jetèrent à droite et à gauche une terre
dont sexhalait une odeur empestée ; ensuite on
vint poser un mort dans cette ouverture, et on
remit la pierre par-dessus.
« Quoi ! sécria Babouc, ces peuples enterrent
leurs morts dans les mêmes lieux où ils adorent la
Divinité ! Quoi ! leurs temples sont pavés de
cadavres ! Je ne métonne plus de ces maladies
pestilentielles qui désolent souvent Persépolis. La
pourriture des morts, et celle de tant de vivants
rassemblés et pressés dans le même lieu, est
capable dempoisonner le globe terrestre. Ah ! la
vilaine ville que Persépolis ! Apparemment que
les anges veulent la détruire pour en rebâtir une
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plus belle, et pour la peupler dhabitants moins
malpropres et qui chantent mieux. La Providence
peut avoir ses raisons ; laissons-la faire. »
Cependant le soleil approchait du haut de sa
carrière. Babouc devait aller dîner à lautre bout
de la ville, chez une dame pour laquelle son mari,
officier de larmée, lui avait donné des lettres. Il
fit dabord plusieurs tours dans Persépolis ; il vit
dautres temples mieux bâtis et mieux ornés,
remplis dun peuple poli, et retentissants dune
musique harmonieuse ; il remarqua des fontaines
publiques, lesquelles, quoique mal placées,
frappaient les yeux par leur beauté ; des places où
semblaient respirer en bronze les meilleurs rois
qui avaient gouverné la Perse ; dautres places où
il entendait le peuple sécrier : « Quand verronsnous
ici le maître que nous chérissons ? » Il
admira les ponts magnifiques élevés sur le fleuve,
les quais superbes et commodes, les palais bâtis à
droite et à gauche, une maison immense où des
milliers de vieux soldats blessés et vainqueurs
rendaient chaque jour grâce au Dieu des armées.
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Il entra enfin chez la dame qui lattendait à dîner
avec une compagnie dhonnêtes gens. La maison
était propre et ornée, le repas délicieux, la dame
jeune, belle, spirituelle, engageante, la compagnie
digne delle ; et Babouc disait en lui-même à tout
moment : « Lange Ituriel se moque du monde de
vouloir détruire une ville charmante. »
Cependant il saperçut que la dame, qui avait
commencé par lui demander tendrement des
nouvelles de son mari, parlait plus tendrement
encore, sur la fin du repas, à un jeune mage. Il
vint un magistrat qui, en présence de sa femme,
pressait avec vivacité une veuve, et cette veuve
indulgente avait une main passée autour du cou
du magistrat, tandis quelle tendait lautre à un
jeune citoyen très beau et très modeste. La
femme du magistrat se leva de table la première,
pour aller entretenir dans un cabinet voisin son
directeur, qui arrivait trop tard, et quon avait
attendu à dîner ; et le directeur, homme éloquent,
lui parla dans ce cabinet avec tant de véhémence
et donction que la dame avait, quand elle revint,
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les yeux humides, les joues enflammées, la
démarche mal assurée, la parole tremblante.
Alors Babouc commença à craindre que le
génie Ituriel neût raison. Le talent quil avait
dattirer la confiance le mit dès le jour même
dans les secrets de la dame ; elle lui confia son
goût pour le jeune mage, et lassura que dans
toutes les maisons de Persépolis il trouverait
léquivalent de ce quil avait vu dans la sienne.
Babouc comprit quune telle société ne pouvait
subsister ; que la jalousie, la discorde, la
vengeance, devaient désoler toutes les maisons ;
que les larmes et le sang devaient couler tous les
jours ; que certainement les maris tueraient les
galants de leurs femmes, ou en seraient tués ; et
quenfin Ituriel faisait fort bien de détruire tout
dun coup une ville abandonnée à de continuels
désordres.
Il était plongé dans ces idées funestes, quand il
se présenta à la porte un homme grave, en
manteau noir, qui demanda humblement à parler
au jeune magistrat. Celui-ci, sans se lever, sans le
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regarder, lui donna fièrement, et dun air distrait,
quelques papiers, et le congédia. Babouc
demanda quel était cet homme. La maîtresse de la
maison lui dit tout bas : « Cest un des meilleurs
avocats de la ville ; il y a cinquante ans quil
étudie les lois. Monsieur, qui na que vingt-cinq
ans, et qui est satrape de loi depuis deux jours, lui
donne à faire lextrait dun procès quil doit
juger, quil na pas encore examiné. Ce jeune
étourdi fait sagement, dit Babouc, de demander
conseil à un vieillard ; mais pourquoi nest-ce pas
ce vieillard qui est juge ? Vous vous moquez,
lui dit-on, jamais ceux qui ont vieilli dans les
emplois laborieux et subalternes ne parviennent
aux dignités. Ce jeune homme a une grande
charge, parce que son père est riche, et quici le
droit de rendre la justice sachète comme une
métairie. Ô moeurs ! ô malheureuse ville !
sécria Babouc, voilà le comble du désordre ;
sans doute, ceux qui ont ainsi acheté le droit de
juger vendent leurs jugements ; je ne vis ici que
des abîmes diniquité. »
Comme il marquait ainsi sa douleur et sa
surprise, un jeune guerrier, qui était venu ce jour
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même de larmée, lui dit : « Pourquoi ne voulezvous
pas quon achète les emplois de la robe ?
Jai bien acheté, moi, le droit daffronter la mort
à la tête de deux mille hommes que je
commande ; il men a coûté quarante mille
dariques dor cette année pour coucher sur la
terre trente nuits de suite en habit rouge, et pour
recevoir ensuite deux bons coups de flèche dont
je me sens encore. Si je me ruine pour servir
lempereur persan, que je nai jamais vu, M. le
satrape de robe peut bien payer quelque chose
pour avoir le plaisir de donner audience à des
plaideurs. » Babouc, indigné, ne put sempêcher
de condamner dans son coeur un pays où lon
mettait à lencan les dignités de la paix et de la
guerre ; il conclut précipitamment que lon y
devait ignorer absolument la guerre et les lois, et
que, quand même Ituriel nexterminerait pas ces
peuples, ils périraient par leur détestable
administration.
Sa mauvaise opinion augmenta encore à
larrivée dun gros homme qui, ayant salué très
familièrement toute la compagnie, sapprocha du
jeune officier, et lui dit : « Je ne peux vous prêter
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que cinquante mille dariques dor, car, en vérité,
les douanes de lempire ne men ont rapporté que
trois cent mille cette année. » Babouc sinforma
quel était cet homme qui se plaignait de gagner si
peu ; il apprit quil y avait dans Persépolis
quarante rois plébéiens qui tenaient à bail
lempire de Perse, et qui en rendaient quelque
chose au monarque.
Après dîner il alla dans un des plus superbes
temples de la ville ; il sassit au milieu dune
troupe de femmes et dhommes qui étaient venus
là pour passer le temps. Un mage parut dans une
machine élevée, qui parla longtemps du vice et de
la vertu. Ce mage divisa en plusieurs parties ce
qui navait pas besoin dêtre divisé ; il prouva
méthodiquement tout ce qui était clair, il enseigna
tout ce quon savait. Il se passionna froidement,
et sortit suant et hors dhaleine. Toute
lassemblée alors se réveilla et crut avoir assisté à
une instruction. Babouc dit : « Voilà un homme
qui a fait de son mieux pour ennuyer deux ou
trois cents de ses concitoyens ; mais son intention
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était bonne, et il ny a pas là de quoi détruire
Persépolis. »
Au sortir de cette assemblée, on le mena voir
une fête publique quon donnait tous les jours de
lannée ; cétait dans une espèce de basilique, au
fond de laquelle on voyait un palais. Les plus
belles citoyennes de Persépolis, les plus
considérables satrapes, rangés avec ordre,
formaient un spectacle si beau que Babouc crut
dabord que cétait là toute la fête. Deux ou trois
personnes, qui paraissaient des rois et des reines,
parurent bientôt dans le vestibule de ce palais ;
leur langage était très différent de celui du
peuple ; il était mesuré, harmonieux et sublime.
Personne ne dormait, on écoutait dans un profond
silence, qui nétait interrompu que par les
témoignages de la sensibilité et de ladmiration
publique. Le devoir des rois, lamour de la vertu,
les dangers des passions, étaient exprimés par des
traits si vifs et si touchants que Babouc versa des
larmes. Il ne douta pas que ces héros et ces
héroïnes, ces rois et ces reines quil venait
dentendre, ne fussent les prédicateurs de
lempire ; il se proposa même dengager Ituriel à
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les venir entendre, bien sûr quun tel spectacle le
réconcilierait pour jamais avec la ville.
Dès que cette fête fut finie, il voulut voir la
principale reine, qui avait débité dans ce beau
palais une morale si noble et si pure ; il se fit
introduire chez Sa Majesté ; on le mena par un
petit escalier, au second étage, dans un
appartement mal meublé, où il trouva une femme
mal vêtue, qui lui dit dun air noble et
pathétique : « Ce métier-ci ne me donne pas de
quoi vivre ; un des princes que vous avez vus ma
fait un enfant ; jaccoucherai bientôt ; je manque
dargent, et sans argent on naccouche point. »
Babouc lui donna cent dariques dor, en disant :
« Sil ny avait que ce mal-là dans la ville, Ituriel
aurait tort de se tant fâcher. »
De là il alla passer sa soirée chez des
marchands de magnificences inutiles. Un homme
intelligent, avec lequel il avait fait connaissance,
ly mena ; il acheta ce qui lui plut, et on le lui
vendit avec politesse beaucoup plus quil ne
valait. Son ami de retour chez lui, lui fit voir
combien on le trompait. Babouc mit sur ses
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tablettes le nom du marchand, pour le faire
distinguer par Ituriel au jour de la punition de la
ville. Comme il écrivait, on frappa à sa porte :
cétait le marchand lui-même qui venait lui
rapporter sa bourse, que Babouc avait laissée par
mégarde sur son comptoir. « Comment se peut-il,
sécria Babouc, que vous soyez si fidèle et si
généreux, après navoir pas eu de honte de me
vendre des colifichets quatre fois au-dessus de
leur valeur ? Il ny a aucun négociant un peu
connu dans cette ville, lui répondit le marchand,
qui ne fût venu vous rapporter votre bourse ; mais
on vous a trompé quand on vous a dit que je vous
avais vendu ce que vous avez pris chez moi
quatre fois plus quil ne vaut : je vous lai vendu
dix fois davantage, et cela est si vrai que, si dans
un mois vous voulez le revendre, vous nen aurez
pas même le dixième. Mais rien nest plus juste :
cest la fantaisie des hommes qui met le prix à
ces choses frivoles ; cest cette fantaisie qui fait
vivre cent ouvriers que jemploie, cest elle qui
me donne une belle maison, un char commode,
des chevaux, cest elle qui excite lindustrie, qui
entretient le goût, la circulation et labondance. Je
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vends aux nations voisines les mêmes bagatelles
plus chèrement quà vous, et par là je suis utile à
lempire. » Babouc, après avoir un peu rêvé, le
raya de ses tablettes.
Babouc, fort incertain sur ce quil devait
penser de Persépolis, résolut de voir les mages et
les lettrés : car les uns étudient la sagesse, et les
autres la religion ; et il se flatta que ceux-là
obtiendraient grâce pour le reste du peuple. Dès
le lendemain matin il se transporta dans un
collège de mages. Larchimandrite lui avoua quil
avait cent mille écus de rente pour avoir fait voeu
de pauvreté, et quil exerçait un empire assez
étendu en vertu de son voeu dhumilité ; après
quoi il laissa Babouc entre les mains dun petit
frère, qui lui fit les honneurs.
Tandis que ce frère lui montrait les
magnificences de cette maison de pénitence, un
bruit se répandit, quil était venu pour réformer
toutes ces maisons. Aussitôt il reçut des
mémoires de chacune delles ; et les mémoires
disaient tous en substance : « Conservez-nous, et
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détruisez toutes les autres. » À entendre leurs
apologies, ces sociétés étaient toutes nécessaires.
À entendre leurs accusations réciproques, elles
méritaient toutes dêtre anéanties. Il admirait
comme il ny en avait aucune delles qui, pour
édifier lunivers, ne voulût en avoir lempire.
Alors il se présenta un petit homme qui était un
demi-mage, et qui lui dit : « Je vois bien que
loeuvre va saccomplir : car Zerdust est revenu
sur la terre ; les petites filles prophétisent, en se
faisant donner des coups de pincettes par-devant
et le fouet par-derrière. Ainsi nous vous
demandons votre protection contre le Grand-
Lama. Comment ! dit Babouc, contre ce
pontife-roi qui réside au Thibet ? Contre luimême.
Vous lui faites donc la guerre, et vous
levez contre lui des armées ? Non, mais il dit
que lhomme est libre, et nous nen croyons rien ;
nous écrivons contre lui de petits livres, quil ne
lit pas ; à peine a-t-il entendu parler de nous ; il
nous a seulement fait condamner comme un
maître ordonne quon échenille les arbres de ses
jardins. » Babouc frémit de la folie de ces
hommes qui faisaient profession de sagesse, des
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intrigues de ceux qui avaient renoncé au monde,
de lambition et de la convoitise orgueilleuse de
ceux qui enseignaient lhumilité et le
désintéressement ; il conclut quIturiel avait de
bonnes raisons pour détruire toute cette engeance.
Retiré chez lui, il envoya chercher des livres
nouveaux pour adoucir son chagrin, et il pria
quelques lettrés à dîner pour se réjouir. Il en vint
deux fois plus quil nen avait demandé, comme
les guêpes que le miel attire. Ces parasites se
pressaient de manger et de parler ; ils louaient
deux sortes de personnes, les morts et euxmêmes,
et jamais leurs contemporains, excepté le
maître de la maison. Si quelquun deux disait un
bon mot, les autres baissaient les yeux et se
mordaient les lèvres de douleur de ne lavoir pas
dit. Ils avaient moins de dissimulation que les
mages, parce quils navaient pas de si grands
objets dambition. Chacun deux briguait une
place de valet et une réputation de grand homme ;
ils se disaient en face des choses insultantes,
quils croyaient des traits desprit. Ils avaient eu
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quelque connaissance de la mission de Babouc.
Lun deux le pria tout bas dexterminer un
auteur qui ne lavait pas assez loué il y avait cinq
ans. Un autre demanda la perte dun citoyen qui
navait jamais ri à ses comédies. Un troisième
demanda lextinction de lAcadémie, parce quil
navait jamais pu parvenir à y être admis. Le
repas fini, chacun deux sen alla seul ; car il ny
avait pas dans toute la troupe deux hommes qui
pussent se souffrir, ni même se parler ailleurs que
chez les riches qui les invitaient à leur table.
Babouc jugea quil ny aurait pas grand mal
quand cette vermine périrait dans la destruction
générale.
Dès quil se fut défait deux, ii se mit à lire
quelques livres nouveaux. Il y reconnut lesprit
de ses convives. Il vit surtout avec indignation
ces gazettes de la médisance, ces archives du
mauvais goût, que lenvie, la bassesse et la faim
ont dictées ; ces lâches satires où lon ménage le
vautour et où lon déchire la colombe ; ces
romans dénués dimagination, où lon voit tant de
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portraits de femmes que lauteur ne connaît pas.
Il jeta au feu tous ces détestables écrits, et
sortit pour aller le soir à la promenade. On le
présenta à un vieux lettré qui nétait point venu
grossir le nombre de ces parasites. Ce lettré fuyait
toujours la foule, connaissait les hommes, en
faisait usage, et se communiquait avec discrétion.
Babouc lui parla avec douleur de ce quil avait lu
et de ce quil avait vu.
« Vous avez lu des choses bien méprisables,
lui dit le sage lettré ; mais dans tous les temps, et
dans tous les pays, et dans tous les genres, le
mauvais fourmille et le bon est rare. Vous avez
reçu chez vous le rebut de la pédanterie, parce
que, dans toutes les professions, ce quil y a de
plus indigne de paraître est toujours ce qui se
présente avec le plus dimpudence. Les véritables
sages vivent entre eux retirés et tranquilles ; il y a
encore parmi nous des hommes et des livres
dignes de votre attention. » Dans le temps quil
parlait ainsi un autre lettré les joignit ; leurs
discours furent si agréables et si instructifs, si
élevés au-dessus des préjugés, et si conformes à
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la vertu, que Babouc avoua navoir jamais rien
entendu de pareil. « Voilà des hommes, disait-il
tout bas, à qui lange Ituriel nosera toucher, ou il
sera bien impitoyable. »
Accommodé avec les lettrés, il était toujours
en colère contre le reste de la nation. « Vous êtes
étranger, lui dit lhomme judicieux qui lui
parlait ; les abus se présentent à vos yeux en
foule, et le bien, qui est caché et qui résulte
quelquefois de ces abus mêmes, vous échappe. »
Alors il apprit que parmi les lettrés il y en avait
quelques-uns qui nétaient pas envieux, et que
parmi les mages mêmes il y en avait de vertueux.
Il conçut à la fin que ces grands corps, qui
semblaient en se choquant préparer leurs
communes ruines, étaient au fond des institutions
salutaires ; que chaque société de mages était un
frein à ses rivales ; que si ces émules différaient
dans quelques opinions, ils enseignaient tous la
même morale, quils instruisaient le peuple et
quils vivaient soumis aux lois, semblables aux
précepteurs qui veillent sur le fils de la maison
tandis que le maître veille sur eux-mêmes. Il en
pratiqua plusieurs, et vit des âmes célestes. Il
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apprit même que parmi les fous qui prétendaient
faire la guerre au grand-lama il y avait eu de très
grands hommes. Il soupçonna enfin quil pourrait
bien en être des moeurs de Persépolis comme des
édifices, dont les uns lui avaient paru dignes de
pitié, et les autres lavaient ravi en admiration.
Il dit à son lettré : « Je connais très bien que
ces mages que javais cru si dangereux sont en
effet très utiles, surtout quand un gouvernement
sage les empêche de se rendre trop nécessaires ;
mais vous mavouerez au moins que vos jeunes
magistrats, qui achètent une charge de juge dès
quils ont appris à monter à cheval, doivent étaler
dans les tribunaux tout ce que limpertinence a de
plus ridicule et tout ce que liniquité a de plus
pervers ; il vaudrait mieux sans doute donner ces
places gratuitement à ces vieux jurisconsultes qui
ont passé toute leur vie à peser le pour et le
contre. »
Le lettré lui répliqua : « Vous avez vu notre
armée avant darriver à Persépolis ; vous savez
que nos jeunes officiers se battent très bien,
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quoiquils aient acheté leurs charges ; peut-être
verrez-vous que nos jeunes magistrats ne jugent
pas mal, quoiquils aient payé pour juger. »
Il le mena le lendemain au grand tribunal, où
lon devait rendre un arrêt important. La cause
était connue de tout le monde. Tous ces vieux
avocats qui en parlaient étaient flottants dans
leurs opinions : ils alléguaient cent lois, dont
aucune nétait applicable au fond de la question ;
ils regardaient laffaire par cent côtés, dont aucun
nétait dans son vrai jour ; les juges décidèrent
plus vite que les avocats ne doutèrent. Leur
jugement fut presque unanime ; ils jugèrent bien,
parce quils suivaient les lumières de la raison, et
les autres avaient opiné mal, parce quils
navaient consulté que leurs livres.
Babouc conclut quil y avait souvent de très
bonnes choses dans les abus. Il vit dès le jour
même que les richesses des financiers, qui
lavaient tant révolté, pouvaient produire un effet
excellent ; car, lempereur ayant eu besoin
dargent, il trouva en une heure, par leur moyen,
ce quil naurait pas eu en six mois par les voies
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ordinaires ; il vit que ces gros nuages, enflés de la
rosée de la terre, lui rendaient en pluie ce quils
en recevaient. Dailleurs les enfants de ces
hommes nouveaux, souvent mieux élevés que
ceux des familles plus anciennes, valaient
quelquefois beaucoup mieux ; car rien nempêche
quon ne soit un bon juge, un brave guerrier, un
homme dÉtat habile, quand on a eu un père bon
calculateur.
Insensiblement Babouc faisait grâce à lavidité
du financier, qui nest pas au fond plus avide que
les autres hommes, et qui est nécessaire. Il
excusait la folie de se ruiner pour juger et pour se
battre, folie qui produit de grands magistrats et
des héros. Il pardonnait à lenvie des lettrés,
parmi lesquels il se trouvait des hommes qui
éclairaient le monde ; il se réconciliait avec les
mages ambitieux et intrigants, chez lesquels il y
avait plus de grandes vertus encore que de petits
vices ; mais il lui restait bien des griefs, et surtout
les galanteries des dames, et les désolations qui
en devaient être la suite, le remplissaient
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dinquiétude et deffroi.
Comme il voulait pénétrer dans toutes les
conditions humaines, il se fit mener chez un
ministre ; mais il tremblait toujours en chemin
que quelque femme ne fût assassinée en sa
présence par son mari. Arrivé chez lhomme
dÉtat, il resta deux heures dans lantichambre
sans être annoncé, et deux heures encore après
lavoir été. Il se promettait bien, dans cet
intervalle, de recommander à lange Ituriel et le
ministre et ses insolents huissiers. Lantichambre
était remplie de dames de tout étage, de mages de
toutes couleurs, de juges, de marchands,
dofficiers, de pédants ; tous se plaignaient du
ministre. Lavare et lusurier disaient : « Sans
doute cet homme-là pille les provinces » ; le
capricieux lui reprochait dêtre bizarre ; le
voluptueux disait : « Il ne songe quà ses
plaisirs » ; lintrigant se flattait de le voir bientôt
perdu par une cabale ; les femmes espéraient
quon leur donnerait bientôt un ministre plus
jeune.
Babouc entendait leurs discours ; il ne put
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sempêcher de dire : « Voilà un homme bien
heureux ; il a tous ses ennemis dans son
antichambre ; il écrase de son pouvoir ceux qui
lenvient ; il voit à ses pieds ceux qui le
détestent. » Il entra enfin : il vit un petit vieillard
courbé sous le poids des années et des affaires,
mais encore vif et plein desprit.
Babouc lui plut, et il parut à Babouc un
homme estimable. La conversation devint
intéressante. Le ministre lui avoua quil était un
homme très malheureux ; quil passait pour riche,
et quil était pauvre ; quon le croyait toutpuissant,
et quil était toujours contredit ; quil
navait guère obligé que des ingrats, et que, dans
un travail continuel de quarante années, il avait
eu à peine un moment de consolation. Babouc en
fut touché, et pensa que si cet homme avait fait
des fautes, et si lange Ituriel voulait le punir, il
ne fallait pas lexterminer, mais seulement lui
laisser sa place.
Tandis quil parlait au ministre entra
brusquement la belle dame chez qui Babouc avait
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dîné. On voyait dans ses yeux et sur son front les
symptômes de la douleur et de la colère. Elle
éclata en reproches contre lhomme dÉtat ; elle
versa des larmes ; elle se plaignit avec amertume
de ce quon avait refusé à son mari une place où
sa naissance lui permettait daspirer, et que ses
services et ses blessures méritaient ; elle
sexprima avec tant de force, elle mit tant de
grâces dans ses plaintes, elle détruisit les
objections avec tant dadresse, elle fit valoir les
raisons avec tant déloquence, quelle ne sortit
point de la chambre sans avoir fait la fortune de
son mari.
Babouc lui donna la main. « Est-il possible,
madame, lui dit-il, que vous vous soyez donné
toute cette peine pour un homme que vous
naimez point, et dont vous avez tout à craindre ?
Un homme que je naime point ? sécria-t-elle.
Sachez que mon mari est le meilleur ami que
jaie au monde, quil ny a rien que je ne lui
sacrifie, hors mon amant, et quil ferait tout pour
moi, hors de quitter sa maîtresse. Je veux vous la
faire connaître ; cest une femme charmante,
pleine desprit et du meilleur caractère du
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monde ; nous soupons ensemble ce soir avec mon
mari et mon petit mage : venez partager notre
joie. »
La dame mena Babouc chez elle. Le mari, qui
était enfin arrivé plongé dans la douleur, revit sa
femme avec des transports dallégresse et de
reconnaissance ; il embrassait tour à tour sa
femme, sa maîtresse, le petit mage et Babouc.
Lunion, la gaieté, lesprit et les grâces furent
lâme de ce repas. « Apprenez, lui dit la belle
dame chez laquelle il soupait, que celles quon
appelle quelquefois de malhonnêtes femmes ont
presque toujours le mérite dun très honnête
homme ; et, pour vous en convaincre, venez
demain dîner avec moi chez la belle Téone. Il y a
quelques vieilles vestales qui la déchirent ; mais
elle fait plus de bien quelles toutes ensemble.
Elle ne commettrait pas une légère injustice pour
le plus grand intérêt ; elle ne donne à son amant
que des conseils généreux ; elle nest occupée
que de sa gloire ; il rougirait devant elle sil avait
laissé échapper une occasion de faire du bien ;
car rien nencourage plus aux actions vertueuses
que davoir pour témoin et pour juge de sa
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conduite une maîtresse dont on veut mériter
lestime. »
Babouc ne manqua pas au rendez-vous. Il vit
une maison où régnaient tous les plaisirs ; Téone
régnait sur eux ; elle savait parler à chacun son
langage. Son esprit naturel mettait à son aise
celui des autres ; elle plaisait sans presque le
vouloir ; elle était aussi aimable que
bienfaisante ; et, ce qui augmentait le prix de
toutes ses bonnes qualités, elle était belle.
Babouc, tout Scythe et tout envoyé quil était
dun génie, saperçut que, sil restait encore à
Persépolis, il oublierait Ituriel pour Téone. Il
saffectionnait à la ville, dont le peuple était poli,
doux et bienfaisant, quoique léger, médisant et
plein de vanité. Il craignait que Persépolis ne fût
condamnée ; il craignait même le compte quil
allait rendre.
Voici comme il sy prit pour rendre ce compte.
Il fit faire par le meilleur fondeur de la ville une
petite statue composée de tous les métaux, des
terres et des pierres les plus précieuses et les plus
viles ; il la porta à Ituriel : « Casserez-vous, dit-il,
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cette jolie statue, parce que tout ny est pas or et
diamants ? » Ituriel entendit à demi-mot ; il
résolut de ne pas même songer à corriger
Persépolis, et de laisser aller le monde comme il
va, car, dit-il, si tout nest pas bien, tout est
passable ». On laissa donc subsister Persépolis ;
et Babouc fut bien loin de se plaindre, comme
Jonas qui se fâcha de ce quon ne détruisait pas
Ninive. Mais, quand on a été toujours dans le
corps dune baleine, on nest pas de si bonne
humeur que quand on a été à lopéra, à la
comédie, et quon a soupé en bonne compagnie.
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Cet ouvrage est le 1305e publié
dans la collection À tous les vents
par la Bibliothèque électronique du Québec.
La Bibliothèque électronique du Québec
est la propriété exclusive de
Jean-Yves Dupuis.
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